Censure à New Delhi
Une cour d’école, un terrain de basket au ciment fendillé, des murs peints de dessins naïfs d’enfants jouant à la balançoire. C’est donc de là que le coup est parti. De cet établissement scolaire de Naraina Vihar, une banlieue du nord-ouest de New Delhi, que Dinanath Batra a orchestré sa campagne. Il y reçoit aujourd’hui les visiteurs curieux d’en savoir plus sur ce franc-tireur qui vient de faire souffler une rageuse tempête sur la vie intellectuelle en Inde.
Septuagénaire au front haut et aux manières policées, stylo fiché dans la pochette de sa veste sans col, l’enseignant à la retraite travaille infatigablement à une cause : purger les livres de tout contenu jugé attentatoire à l’idéologie nationaliste hindoue dont il est un fervent adepte. Tassé dans le creux d’un canapé, il savoure sa dernière victoire avec un plaisir non dissimulé. Il est l’inspirateur d’une plainte qui a abouti, le 10 février, au retrait par l’éditeur Penguin India de l’ouvrage The Hindus. An Alternative History (publié aux Etats-Unis en 2009 et en Inde en 2010). Son auteure est Wendy Doniger, indianiste américaine réputée, professeure d’histoire des religions à l’université de Chicago. La décision de Penguin India a jeté la consternation chez les intellectuels libéraux en Inde et enflammé la controverse sur la menace grandissante d’une censure idéologique inhibant la production académique. La « plus grande démocratie du monde » ne tournerait-elle plus rond ?
Wendy Doniger est l’archétype de l’universitaire qu’abhorre Shiksha Bachao Andolan Samiti (Mouvement pour sa…
LE MONDE CULTURE ET IDEES | 27.02.2014 à 18h17 • Mis à jour le 28.02.2014 à 07h44 |Par Frédéric Bobin (New Delhi, correspondant régional)